vendredi 10 juin 2011

Pluie et deuil à Kangirsuk

                                         Kangirsuk                                        Montréal


Lever du soleil :                     3h19                                              5h06

Coucher du soleil :                 22h00                                          20h42
Température :             entre -2 et 10 degrés                       entre 20 et 25 degrés

Et on nous annonce de la neige pour lundi! Pfffff! On est dans la même province, vraiment?!


Coucher de soleil, 22h30...difficile de se mettre au lit!


Lever du soleil, il est 1h30...DE LA NUIT!!!!!



Avant-dernière semaine de Nunavik jusqu’au retour le 16 août. Semaine triste et grise. Lundi, rien ne laissait présager du malheur qui allait s’abattre sur le village. Un soleil de feu brillait, j’ai donc décidé d’aller marcher et faire des photos, vers 20h00. J’ai aperçu, du sommet de la montagne, de l’action à la clinique, une ambulance, le camion des policiers…un malaise, comme il en arrive d’autres?



Le lendemain matin, un téléphone de bonne heure m’annonçait que cette fois-ci, la situation était plus dramatique; un garçon de 5 ans avait perdu la vie la veille, emporté par les eaux. Les détails, on ne les connait pas, et je ne désire pas en savoir davantage. Je me suis présentée à l’école pour ventiler, parler avec des collègues, pour finalement apprendre qu’il s’agissait du petit frère d’un de mes élèves, du cousin d’une autre. À quatre cent cinquante personnes dans le village, il est certain que tous se connaissent, que les liens de parenté sont nombreux. Encore une famille éplorée, encore le malheur qui visite le village.

Une journée de congé, une journée où l’esprit ne peut se libérer d’images, de réflexions. On s’active donc; plusieurs popotent pour la famille en deuil. En fin d’après-midi, on se rend chez celle-ci, qu’on trouve bien entourée; une vingtaine de personnes assises autour des parents, à consoler, écouter. Les enfants courent, jouent, la vie continue. Le frère du défunt vient me visiter avec des copines de la classe, peut-être fuit-il l’ambiance lourde qui règne chez lui. Son petit frère passera la nuit chez une collègue, sa professeure.

Le lendemain, à l’école, les élèves se font rares, et ceux qui sont là ont la mine basse. Trêve d’examens, on ira en cuisine préparer quelques biscuits pour se changer les idées. En après-midi, les infirmiers viendront pour animer une discussion, écouter les réactions. On débute dans ma classe, les élèves semblent tout de même bien, tous affirment qu’ils sont ok…jusqu’à ce qu’une élève craque et se mette à pleurer. Il n’en faudra pas plus pour que tous laissent aller leurs émotions. On se rappelle des souvenirs de l’enfant disparu, il avait un beau sourire, voulait savoir mon nom, il jouait avec mon petit frère…, on exprime notre peine pour la famille, on évoque nos défunts respectifs, des souvenirs récents que les élèves n’ont peut-être pu évoquer avant cette discussion. La rencontre perdure, on raconte les images traumatisantes qu’on a vues…

Bref, quelle bonne idée que cette rencontre! J’ai douté que les élèves réussissent à parler, en plus en français, mais oui, ils ont sorti le méchant, ont entendu qu’ils avaient le droit de pleurer ou non…

Dans une région où il y trop peu de ressources, pas de psychologues, j’ai trouvé merveilleux que les infirmiers prennent cette initiative. Ça a encore plus soudé le groupe. J’ai été émue des émotions, du partage et aussi, de la confiance et de l’amitié régnant au sein du groupe.

Le lendemain, on assiste aux funérailles, prenantes. À l’extérieur de l’église, les gens attendent, certaines de mes élèves viennent vers moi. Un goéland plane au-dessus de l’église, peut-être Jésus, affirme une des filles. Pourquoi les qallunaats, vous vous habillez en noir questionne une autre. Nous les Inuit, on ne fait pas ça.

À la fin de la cérémonie, on fait une grande ligne, on avance vers l’autel, on salue une dernière fois l’enfant, on offre nos condoléances à la famille.

Le lendemain, les frères du défunt seront à l’école, tout sourire. La vie continue, la tragédie les rattrapera sûrement plus tard, malheureusement, bien que j’espère le contraire.



Pendant ce temps, je suis seule à la maison, mon bel amour étant à Montréal pour accompagner sa grand-maman vers le dernier repos. Semaine de deuils.

Une autre collègue part en urgence, en médi-vac (avion d’urgence) vers l’hôpital de Kuujjuaq. Des pierres aux reins.

Le ciel est gris, la pluie tombe. Quelle ambiance à Kangirsuk! On se concentre sur autre chose, les élèves, la fin d’année.



La pluie, de circonstance

Sarah m’offre un œuf d’outarde, me dit que s’il y a un oisillon à l’intérieur, je peux le manger, c’est bon. Eeeeee…pas sûre. J’attendrai le retour de mon doux et lui offrirai pour ses 34 ans!


Oeuf d'outarde, merci ben!

On finit les examens, on rit, on fabrique des bateaux pour une course la semaine prochaine…et on fait le décompte des jours qu’il nous reste à passer ensemble. On s’aime, mais on a tellement besoin de décrocher de l’école!

9 jours à faire. La semaine prochaine, mon dernier billet. Retour vers ma famille d’amour, mes parents, frère et sœurssss (4 tsé!), amis que j’aime tant. De la chaleur svp, oui, merci! Des SAQ, des magasins, des films au cinéma, des clubs vidéo, du vélo, plein d’monde dans les rues, des restos, des belles personnes partout, de la musique, danser!, pas de manteau, pas de chapeau, pas de mitaines, oui je porte encore tout ça! Nunavik, je t’aime, mais reste du monde aussi!

Allez, je retourne profiter de ma fin de semaine de célibataire. Bien vite, je devrai remplir les derniers bulletins, faire quelques boîtes, préparer ma valise pour mon retour estival.

Qu’il est bon de partir en sachant que je reviendrai avec ces élèves formidables et allumés, dans ce village magnifique et avec ces collègues charmants. Chanceuse que je suis, à ça oui!



Les glaces nous quittent, on retrouve la belle rivière Payne



Cette semaine, opération ménage des chiens errants...heureuse de constater que mes chouchous sont attachés!




La belle Monika met la touche finale à son bateau à l'effigie du Canada!


Susan et Annie-Ann, bon travail d'équipe pour un bateau à remorque!


Gary, propriétaire du gros bateau!


Premier BBQ à Kangirsuk ce printemps!


Ça fond!


Au détour d'une marche, un détritus me rappelle mon prochain voyage en Turquie!


Mon beau village!


Attention, ce sont des abeilles, de dire mes élèves!